Wednesday, April 04, 2007

Une nouvelle Fédération balkanique .

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Riba Peshku News
Le Monténégro et le Kosovo prennent l’initiative d’une nouvelle Fédération balkanique
Par notre envoyé spécial à Becici
Mise en ligne : dimanche 1er avril 2007
Sur la Toile
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Le Monténégro, le Kosovo, l’Albanie, la Serbie et la Croatie ont décidé de créer une nouvelle Fédération balkanique. Les chefs des cinq États, réunis toute la nuit dans une taverne de Becici, sur la côte monténégrine, ont fait une déclaration solennelle à 7 heures ce matin. Le nouvel État, coprésidé à titre provisoire par Milo Djukanovic, Vojislav Kostunica et Agim Ceku, devrait demander dès lundi son admission aux Nations Unies.

Par Albert Heathrow

C’est une date historique pour les Balkans occidentaux, et même pour l’Europe du Sud-Est toute entière. La Serbie, le Monténégro, le Kosovo, l’Albanie et la Croatie ont décidé de former une nouvelle Fédération balkanique.

Dans le communiqué lu dimanche au petit matin par le célèbre metteur en scène Emir Kusturica, porte-parole du gouvernement provisoire de cette Fédération, les cinq États expliquent « qu’ils ont décidé de dépasser leurs petits différends des dernières années et de s’unir pour former à nouveau un État fort et puissant, moderne, démocratique et fonctionnel ».

Les langues officielles du nouvel État seront le serbo-croate, le croato-serbe, le serbe, le monténégrin, le bosniaque, l’albanais, le guègue, le tosque, le rromani, le turc, le hongrois et l’aroumain ». L’hymne national n’aura pas de paroles. Il a été interprété, immédiatement après le discours d’Emir Kusturica, par le brass band de Boban Markovic, sous les vivats d’une dizaine de pêcheurs à pied qui passaient par là. Le ministre serbe Velimir Ilic les a suivis pour, selon ses propres termes, « s’en jeter une petite dernière et se taper des cevapi avant de reprendre la bagnole pour Cacak ».

Installé sur une chaise-longue à la terrasse de la taverne, caressant un chat tout en regardant le jour se lever, Vojislav Kostunica, le visage visiblement fatigué, a bien voulu nous donner son point de vue : « la question du Kosovo est réglée à la satisfaction générale, alors que nous ne pouvions pas plus compter sur les Russes que sur les Finlandais. Je suis également débarrassé de ces interminables discussions sur le prochain gouvernement serbe. J’ai devant moi 25 ans de travail pour rédiger la Constitution de notre nouvelle Fédération. C’est exactement ce qu’il me fallait ».

Le Premier ministre albanais Sali Berisha et le Président du Parlement croate Vladimir Seks, les traits également tirés, buvaient et fumaient à une petite table isolée, tandis qu’Ivo Sanader, Milo Djukanovic et Agim Ceku s’étaient déjà retirés pour régler les affaires courantes. Une rumeur veut que la première décision du nouveau gouvernement, qui pourrait être annoncée dès lundi, soit l’expropriation de toutes les filiales locales de British American Tobacco et Philip Morris, au profit d’un nouveau Combinat nommé Balkans Integrated Tobacco (BIT), dont la présidence serait confiée à Fatos Nano.

Un secret bien gardé

Cette initiative a pris de court les milieux diplomatiques. Condoleeza Rice et Javier Solana n’auraient appris la nouvelle qu’en prenant leur petit-déjeuner. Ils n’ont encore fait aucune déclaration. Dans un communiqué de l’Elysée, Jacques Chirac s’est dit « intéressé par un poste d’ambassadeur itinérant à partir du 6 mai ».

En réalité, une source qui tient à rester anonyme au sein du Comité local du DPS de Niksic nous indique que cette initiative était préparée de longue date, dans le plus grand secret, par un triumvirat composé des trois coprésidents du nouvel État, Milo Djukanovic, Vojislav Kostunica et Agim Ceku. « La décision d’avancer au plus vite vers cet État a été prise lors de la visite d’Agim Ceku au Monténégro, fin septembre 2006. Milo Djukanovic a alors décidé de ne pas briguer un nouveau mandat de Premier ministre, pour consacrer toute son énergie à ce projet », explique notre source.

Le Parti démocratique des socialistes monténégrins (DPS) et le gouvernement provisoire du Kosovo ont joué un rôle moteur dans la création du nouvel État. Agim Ceku a bien voulu nous le confirmer, en rappelant qu’il considérait de longue date Milo Djukanovic « comme un ami et un excellent partenaire d’affaires, un homme aussi honnête que moi-même ». « Cet automne, nous nous sommes souvent retrouvés tous les deux à Rozaje. On se réunissait discrètement dans un bureau de la station-service M Petrol, qui appartient à un vieil ami ».

« Un comité d’organisation s’est installé dans l’arrière-boutique d’un magasin qui jouxte le siège du DPS de Niksic. Des vidéo-conférences étaient organisées quotidiennement avec les principaux acteurs impliqués dans ce projet : Vojislav Kostunica, le général Kadijevic, Ramush Haradinaj, Svetlana Raznatovic Ceca, Vladimir Seks, Vuk Draskovic et Cedomir Jovanovic. L’archevêque catholique de Bar, Mgr Gashi, a servi de messager : en six mois, il a visité tous les pays de la région ».

Un défi à l’Union européenne

Les dirigeants du nouvel État ont solennellement déclaré qu’ils retiraient les actes de candidature de leurs anciens pays à l’Union européenne. « Nous sommes candidats depuis des années, et on nous fait sans cesse lanterner », a expliqué le Croate Ivo Sanader. « Dès aujourd’hui, notre Fédération sera plus efficace que cette Union qui ne sait pas où elle va. Nous appelons par contre tous les États-membres de l’Union européenne qui le souhaitent à nous rejoindre. La Fédération balkanique est ouverte à tous, de la Baltique aux Açores, de l’Écosse à l’Anatolie... ». Ivo Sanader a ajouté : « La Croatie centre-européenne et méditerranéenne, medjimurjenne et istrienne, catholique et apostolique, tient à le dire solennellement : tous les pays du monde peuvent devenir balkaniques ».

Un gouvernement de choc

Emir Kusturica, le porte-parole de la Présidence collégiale provisoire tripartite (PCPT) de la nouvelle Fédération, a lu la liste des membres du gouvernement provisoire, qui restera en place jusqu’aux élections générales, prévues « avant l’été ».

Affaires étrangères : Svetlana Ceca Raznatovic
Défense : Cedomir Jovanovic
Justice : Ramush Haradinaj
Sports : Oliver Ivanovic
Information : Vuk Draskovic
Industrie lourde : Edi Rama
Agriculture et produits du terroir : Vladimir Seks
Développement durable et massif : Velimir Ilic
Désintégration européenne : Drazen Budisa
Éducation et bonnes manières : Hashim Thaçi
Finances, épargne et spéculations : Sali Berisha
Coordination stratégique et marine de plaisance : Svetozar Marovic
Culture et autres finasseries : Branimir Glavas
Propagande et art lyrique : Ranko Krivokapic

Les trois co-présidents s’occuperont particulièrement du commerce international (Milo Djukanovic), des affaires constitutionnelles et religieuses (Vojislav Kostunica), des catastrophes naturelles et de la sécurité routière (Agim Ceku).

Déjà une puissance militaire

D’ici une semaine, toutes les armées nationales des cinq pays membres de la Fédération auront fusionné leurs moyens opérationnels. De la sorte, la Fédération disposera immédiatement de la cinquième armée conventionnelle en Europe. Le nouvel état-major sera basé dans la caserne « Adem Jashari » de Pristina, présentement occupée par le Corps de protection du Kosovo (TMK). Ces opérations seront conduites par le nouveau ministre de la Défense, Cedomir Jovanovic, et le chef d’état-major de la nouvelle armée, le général Veljko Kadijevic.

Ce dernier a commenté : « on m’a proposé d’aller à Bagdad... Mais qu’est-ce que j’irais faire à Bagdad ? Je préfère servir mon peuple, chez moi, à Pristina. Cedomir Jovanovic a beau être un civil et ne pas avoir fait son service militaire, c’est un jeune homme charmant et dynamique, quant à Agim Ceku, je le considère comme un sous-officier de premier ordre, un patriote et un vrai militaire ».

La Bosnie hésite

Apparemment, les autorités bosniaques n’avaient pas été informées de ce projet. « Nous avons envoyé des dizaines de lettres, de courriels et de fax aux nombreux gouvernement de ce pays. Nous n’avons jamais obtenu de réponse, sauf un message laconique signé par le vice-adjoint du ministre de l’Éducation du Canton 10 nous indiquant que le gouvernement de ce canton était en grève jusqu’à nouvel ordre », indique notre source.

Les premières déclarations officielles étaient très froides, à Sarajevo aussi bien qu’à Banja Luka. Le membre bosniaque de la Présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine, Haris Silajdzic, a déclaré qu’il s’inquiéterait de « tout projet pouvant aller contre l’intégrité de la Bosnie-Herzégovine », ajoutant que « tout projet fédéral suppose des entités, or les Balkans ont trop souffert de la création d’entités. Mieux vaut ne pas s’unir pour ne pas avoir à se séparer ».

Pour sa part, le Premier ministre de la Republika Srpska, Milorad Dodik, a déclaré que « si la Bosnie-Herzégovine devait rejoindre le moindre nouvel État que ce soit, la Republika Srpska organiserait immédiatement un référendum d’autodétermination et ferait jouer son droit à la sécession ». Ce matin, un communiqué signé du HDZ 1990 a été placardé sur la façade de la mairie de Kiseljak appelant à une manifestation « contre une nouvelle tentative d’extermination du peuple croate de Bosnie-Herzégovine ».

La Macédoine partagée

Tito Petkovki, le président du Nouveau parti socialiste, a immédiatement demandé l’adhésion de la Macédoine au nouvel État. Cette position a été soutenue par Vasil Tupurkovski, ancien dirigeant de l’ancienne Alternative démocratique, ainsi que par la célèbre chanteuse Esma Redzepova, mais elle est loin de faire l’unanimité.

Le Premier ministre Nikola Gruevski s’est déclaré inquiet de l’absence de perspectives économiques de la Fédération : « nous pourrions y adhérer, si le gouvernement provisoire supprimait le droit du travail, s’engageait à plafonner les salaires à 75 euros par semestre et à exonérer les entreprises de toute charge fiscale. Cette fédération est vouée à l’échec si elle ne s’engage pas clairement dans la perspective d’une saine concurrence avec le Sri Lanka et le Bangladesh. Ce sont les leçons du libéralisme moderne », a expliqué Nikola Gruevski.

Selon certaines rumeurs, Nikola Gruevski avait pris langue dans le secret avec son homologue albanais, Sali Berisha, pour lancer un pack susceptible d’attirer les investisseurs : « l’Albanie et la Macédoine pour deux denars ». La nouvelle Fédération balkanique pourrait compromettre le lancement de ce pack, qui aurait dû très prochainement être mis en vente dans les supermarchés occidentaux.

Les dirigeants albanais de Macédoine sont également sceptiques. Seul Menduh Thaçi, le numéro 2 du Parti démocratique des Albanais (PDSH), s’est montré enthousiaste : « je connais Djukanovic, c’est un mec carré, un gars comme moi. Avec lui, on peut s’entendre. Je suis prêt à lui reprendre immédiatement 20% de ses parts », a-t-il déclaré sur la télévision AlSat. Par contre, le chef historique du parti, Arbën Xhaferi, a expliqué que « la fédéralisation ne peut aller sans dissociation de la consociation. Le modèle des îles Aland doit être immédiatement appliqué aux montagnes du Shar. Ainsi, la station de ski de Popova Sapka pourra être transformée en base nautique, ce qui contribuera à satisfaire les aspirations séculaires du peuple albanais. Le paradigme central de notre post-modernité - à savoir : les vacances à la mer ou les vacances à la montagne ? - pourra ainsi être dépassé par une approche gradualiste, tenant compte de la subjectivité intrinsèque des différents acteurs ».

Interrogé par un journaliste de Dnevnik sur une éventuelle adhésion de la Macédoine à la Fédération, Arbën Xhaferi a reconnu qu’il ne savait pas de quoi il était question.

« Unis par le sport »

Le premier acte politique de la nouvelle Fédération sera de participer aux éliminatoires de l’Euro 2008. « Nous ferons tout pour intégrer au plus vite les structures de la FIFA, il y va de notre cohésion nationale », souligne le ministre des Sports Oliver Ivanovic. À ce titre, une dissolution de l’équipe de football du Monténégro devrait être envisagé dans les plus brefs délais. Son entraîneur, Zoran Filipovic, est satisfait : « nous sommes la seule équipe au monde à avoir emporté tous les matchs que nous avons joués, je suis fier de mes joueurs et de mon bilan ».

Encore une fois, le sport sera une façon de rapprocher les populations et de construire un projet politique sérieux. A quand une équipe et une Constitution pour l’Union européenne ?

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